Le Favori de Mme de Villedieu

illustrationUne pièce écrite par une femme au temps de Molière :
Mise en scène : Aurore Evain, Théâtre Berthelot, Montreuil, 21/04/2017

La pièce commence par un Prologue écrit par la troupe et constitué d’un éloge de Mme de Villedieu et d’une introduction à la pièce. Il met en scène une famille de comédiens qui reçoivent une lettre de la reine les invitant à présenter leur pièce au palais royal.

Peu avant leur départ, une des filles de la famille accouche ; elle demandedonc à un spectateur de garder son bébé pendant la représentation. A la fin du prologue, les acteurs s’adressent directement au public en demandant si quelqu’un sait jouer de la guitare pour venir jouer sur scène. Cela permet de créer une surprise et de tisser un lien avec le public. Pendant la pièce, beaucoup de regards sont dirigés vers la salle. Il n’y a plus de frontière entre la scène et la salle. On finit par se demander où se passe la pièce, ce qui soulève une des grandes pensées philosophiques de l’époque baroque en faisant penser que le monde entier est un théâtre.

Pendant le Prologue, les personnages sont vêtus de blanc et il n’y a pas de décor. Ensuite, tout change : six arbres sont introduits sur scène pour représenter le
jardin du roi, qui est un lieu de passage où tous les personnages vont pouvoir se rencontrer. Les règles d’unité de lieu et de vraisemblance sont ainsi respectées. Les costumes des hommes sont semblables sauf celui du roi dont l’habit est doré pour évoquer le Roi Soleil. Les femmes sont reconnaissables selon la couleur de leur robe. Par exemple, la rivale de la princesse est vêtue de rouge pour représenter le désir. Les musiciens restent en blanc pour ne pas être mis en valeur.

Les acteurs sont en effet accompagnés de deux musiciennes et d’une chanteuse. L’une joue de la viole de gambe et une autre du théorbe ; la chanteuse interprète des chants baroques. Celle qui joue du théorbe est cachée dans le public au début de la pièce, puis elle est désignée par les acteurs pour accompagner la viole de gambe. L’arrivée du roi sur scène est introduite par un chant spécifique qui fait l’éloge de sa personne. La metteuse en scène a voulu rappeler la période où la pièce a été écrite avec une musique de l’époque et l’apparition de la prononciation utilisée à l’époque dans le milieu du théâtre (la chanteuse indique aux acteurs comment prononcer certains mots).

Le jeu d'acteur était fascinant sur trois points. Les acteurs sont arrivés à trouver un juste milieu entre le surjeu et la sincérité, qui aide à la compréhension des
personnages et de l'histoire, et qui correspond complètement au caractère des personnages interprétés : le roi est colérique, à la limite de la tristesse ; le prince
est orgueilleux et hypocrite, donc maladroit dans son discours ; le favori est anxieux et doute de l'amour qu'il reçoit de la cour, donc hésitant dans le choix de ses mots… Le texte est très complexe à transmettre et à dire (il est en alexandrins et n'est pas en français récent), mais les acteurs arrivent à faire comprendre leur discours grâce à l'intonation et au rythme des mots. Ils font comprendre le texte dans sa globalité, malgré le rythme des phrases imposées par le système en alexandrins. Les acteurs agitent leurs bras pour s’exprimer et se déplacent constamment, jouent avec le décor presque tout le temps (et pourtant le décor est très simple et presque absent). La lumière est organisée de la façon la plus simple. Mais les acteurs réussissent quand même à jouer avec et à la valoriser (des personnages en contre-jour pour exprimer la solennité, à la lumière pour leur donner de l'importance...).

Mots-clés: Arts appliqués, Projets

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